Une journée pour apprendre à tirer à 300 Mètres Par Gilles de Valicourt 27 juin 2022 Le tir de chasse à la carabine, particulièrement sur un animal éloigné arrêté, n’est pas dans notre culture. Que l’on soit un jeune chasseur totalement novice, ou un ancien passé sans transition du petit au grand gibier, une formation spécifique n’est pas du luxe. C’est ce que propose Benoit Bauduin et sa société de conseil IMPACTS. Entrechasseurs.com a participé à l’un de ses stages en Charente. Le jour se lève sur le domaine de Boismorand. Dans le salon, où sont accueillis les stagiaires, les nombreux trophées attestent, s’il en était besoin, que nous sommes sur un domaine de chasse. Benoit Bauduin le patron de la société de conseils IMPACTS a choisi ce site car il permet de circuler et tirer des balles à grande distance en toute sécurité, en raison de son relief vallonné et du fait qu’il est complétement clos. Pour l’heure les protagonistes font connaissance, jeune ou plus âgé, cadre supérieur ou agriculteur, chasseur expérimenté désirant se perfectionner ou débutant, les profils sont divers, mais tous sont liés par la passion de la chasse, et un désir réel de bien faire. En effet même si cela serait souhaitable, ils ne sont pas nombreux les chasseurs à faire des démarches pour s’améliorer. Pour ceux qui ont ce souhait, Benoit Bauduin est l’homme de la situation. ANCIEN DES FORCES SPÉCIALES Benoit est un ancien militaire, il a fini sa carrière dans l’armée comme chef de la cellule tir et combat du 13ème RDP (régiment de dragons parachutistes). Cette unité, intégrée aux forces spéciales, est spécialisée dans le recueil de renseignements. Parachutés à haute altitude, ces soldats passent les frontières en chute libre, pour ensuite s’enterrer durant des semaines dans l’attente de recueillir des renseignements capitaux, de repérer une cible prioritaire, etc. Autant dire que Benoit est bien formé au tir et à la patience. En 2008, il créé sa société de conseils, IMPACTS, afin de dispenser des cours de tir, que ce soit à des forces de police et de sécurité, qu’à des civils, tireurs ou chasseurs soucieux d’être plus efficaces. Sur son site, il commercialise aussi des accessoires spécifiques, des livres techniques qu’il a écrits, ainsi qu’un logiciel qu’il a spécialement développé pour le tir à longue distance, et qui intéresse notamment les militaires. Mais pour l’heure, c’est à son stage tir de chasse qu’on répondu la douzaine de stagiaires présents. Après le petit déjeuner, tous empruntent les Land Rover du domaine, pour se rendre sur le champ de tir déterminé. C’est par un discours sécuritaire que Benoit entame les hostilités, car avant de songer à bien tirer, il faut le faire en sécurité. A la sécurité succède la théorie, matériel, calibre, optique, réglage, rudiments du tir. Rapidement devant l’impatience de la troupe, Benoit passe à la pratique. AVEC SON PROPRE MATÉRIEL Venu chacun avec son matériel (carabine, lunette, support de tir et munitions), les stagiaires sont invités à tirer une première série de trois balles sur une cible à trente mètres. Certains fanfarons jugeront peut-être l’exercice ridicule, mais le verdict sonne plutôt comme une douche froide. Si la majorité des stagiaires, heureusement, atteint globalement le centre de la cible, les groupements ne sont pas bons, et bien peu tiennent les trois impacts dans une pièce de monnaie. Pourtant à deux exceptions près, les lunettes sont correctement réglées. LES FONDAMENTAUX DU TIR Benoit en profite, alliant la pratique à la théorie, pour faire régler les lunettes aux stagiaires concernés en insistant puissamment sur l’impérieuse nécessité de régler soi-même ses optiques, le réglage de l’armurier ne suffisant pas, sa vue étant différente de la vôtre. Les autres stagiaires en profitent aussi pour affiner leurs réglages. Mais au-delà des optiques, la dispersion des impacts à une distance si courte témoigne de la nécessité de revoir les fondamentaux du tir. Parmi les fondamentaux du tir, Benoit cite notamment : Avoir une bonne posture, debout face à la cible, les jambes un peu écartées formant un angle de 45° Être parfaitement stabilisé en utilisant pour cela un support de tir (canne de pirsch) Expirer, bloquer sa respiration en milieu d’expiration, tirer Appuyer sur queue de détente avec la jonction entre les deux dernières phalanges de l’index Ne pas relâcher la queue de détente aussitôt après le départ, rester un peu en tension. À BRAS FRANC, ÇA ARROSE Pour démontrer, s’il en était besoin, que le tir sur cible arrêté n’est pas si simple, même avec un support, Benoit fait tirer tout le monde à bras franc. Là, les résultats s’en ressentent aussitôt, et les tirs « arrosent ». Ainsi, même notre expert est moins précis à courte distance. Durant toute la matinée, les tireurs enchainent les séries de trois tirs sous les conseils de Benoit qui apporte à chacun des conseils personnalisés. A l’heure du déjeuner, les leçons ont porté leurs fruits, et tous parviennent à grouper leurs impacts. Il est temps de passer aux choses sérieuses en prenant de la distance, mais cela attendra le temps du déjeuner. CONFIANCE EN SOI ET SON MATÉRIEL Rassurés sur leurs performances et le réglage de leurs optiques, les participants sont impatients de tirer loin. Gravissant une colline, ils commencent tout de suite par des cibles à 150 mètres, ce qui constitue déjà une belle distance en chasse à l’approche. C’est l’occasion de revenir sur la notion de distance de réglage optimum (DRO), et les tables balistiques, chaque munition ayant des caractéristiques propres, impliquant des corrections en hauteur pour les tirs à grande distance. Chaque balle a des propriétés différentes, synthétisées sur des tables balistiques, et qu’il est impératif de connaitre pour être à l’aise avec sa munition. GARE AU VENT Après chaque salve, que chacun va constater en cible, selon la même méthodologie que le matin, l’instructeur prodigue à chacun des conseils. Deux ou trois salves suffisent, en général, aux stagiaires pour s’améliorer. Et reculant de 50 mètres en 50 mètres, ils finissent par se retrouver à 300 mètres de leurs cibles. A cette distance qui correspond à la limite légale théorique des matériels autorisés pour la chasse en France, Benoit en profite pour aborder une autre notion fondamentale, la prise en compte du vent. Ce jour-là, un fort vent latéral et intermittent perturbe quelques tirs. Lorsque le vent est soutenu, le point d’impact peut être décalé de plusieurs centimètres, voire dizaines de centimètres dans le sens du vent. LA ZONE VITALE D’UN CHEVREUIL À 300 MÈTRES Mais tous les stagiaires parviennent à atteindre une cible correspondant à la zone vitale d’un chevreuil à cette distance. Seul l’un d’entre eux, pourtant l’un des plus performants de la matinée, voit la machine se gripper, ne parvenant plus à atteindre la cible. Sans doute la fatigue, autre paramètre dont il faut impérativement tenir compte pour ne pas tenter des tirs à la limite de ses capacités, est-elle responsable. En bon formateur, Benoit suggère de revenir à une quarantaine de mètres, et propose une nouvelle séance à bras franc. Les résultats sont meilleurs que le matin, mais pas encore parfaits. Preuve en est que le tir du grand gibier sans appui, et notamment en battue, est un exercice différent du tir d’approche. OBJECTIF ATTEINT La journée touchant à sa fin, notre instructeur revient sur un point théorique évoqué en début de session, l’utilisation des silencieux, désormais autorisés, et de plus en plus fréquemment utilisés par les chasseurs. S’il reconnait leur utilité, particulièrement pour le confort du tir, Benoit met en garde sur le fait que ces dispositifs impactent le comportement balistique des munitions, et impose un nouveau réglage. Il est donc impératif de ne pas alterner les tirs avec et sans réducteur de bruit. Mais tous sont parvenus à tirer de 30 à 300 mètres avec précision en moins d’une journée. Objectif atteint, Benoit a mis dans le mil ! Crédit photos: Instasologne