Rubriques du mag

faisan naturel en Loir-et-cher

L’automne est la période idéale pour se mesurer aux faisans naturels, ces oiseaux multicolores et magnifiques. Du couvert, un territoire varié et ouvert, des oiseaux roublards, un très bon ami, et mon braque ; tout y est.

La matinée s’annonce couverte en cette mi-novembre. Les nuages bas sont bien présents, et l’ambiance automnale. Mon ami Bruno m’accompagne pour cette journée sur la commune de Montlivault, en Loir-et-Cher. Située en bord de Loire, cette société de chasse s’est impliquée en 2012 dans la création d’un GIASC* destiné à l’implantation d’une population viable de faisans de souche naturelle.

PLUS DE LACHERS DEPUIS 2014

Les derniers lâchers ont eu lieu en 2014. Depuis, par une saine gestion, nous en récoltons les fruits. C’est donc avec plusieurs bracelets en poche, et un peu d’excitation, que nous nous rapprochons du lieu de chasse.

Le territoire de GIASC est idéal pour le faisan, alternant cultures, friches et boquetaux.

De l’autre côté de la Loire nous arrivent les sons de cloche de l’église de Cour-sur-Loire. Il est 9h, la chasse peut débuter. L’espoir et l’enthousiasme m’accompagnent lorsque je libère ma braque française Izzy.

UNE BRAQUE FRANCAISE QUI S’EST FAITE TOUTE SEULE

Agée de 8 ans, c’est une honnête chienne de chasse. Eduquée par mes soins simplement, Izzy s’est faite toute seule par les rencontres répétées avec le gibier des plaines ligériennes, et des bois solognots. Respectant désormais le poil, elle fait preuve d’une bonne quête ample comme je les aime, d’un arrêt ferme rarement menteur, et d’un contact appréciable. Nous fonctionnons bien ensemble, et je m’en régale.

Izzy, une braque française dressée sur gibier naturel.

Avec Bruno, nous attaquons par un champ d’ignames récolté, pour se mettre ensuite à bon vent avec la chienne. Izzy prend ses marques dans un bois d’acacia, puis dans la friche que nous traversons et s’appuie sur le vent. Nous progressons ainsi, parallèlement à la Loire d’un côté.

LES TROUS ET COULEES DE LAPINS RALENTISSENT LA CHIENNE

Quelques trous de lapins et coulées ralentissent momentanément la chienne pour des contrôles. Je la relance, quand elle prend sa pause d’arrêt dans les hautes herbes.

Les hautes herbes des friches sont un refuge pour les faisans. Les arrêts y ont fréquemment lieu.

Je pense évidemment à du poil, surtout lorsque je la vois rompre, pour commencer un coulé prudent, dans un style écrasé. J’invite Bruno à se rapprocher. Les mètres, puis les décamètres s’enchainent, à suivre la braque qui remontent la voie. Une poule faisane s’envole à une trentaine de mètres devant nous ! Caractéristique des faisans naturels, piéteurs rusés, qui demandent un chien « viandard » et autoritaire pour réussir à les immobiliser à bonne distance. Izzy est encore un peu tendre, ce matin…

Nos chasseurs soupçonnent qu’un lapin coule devant la chienne, ce sera en fait une poule faisane qui prendra son essor.

PENSER FAISAN

Chasser devant soi sur plusieurs centaines d’hectares de cette campagne ligérienne est une chance. Comme d’arpenter une telle variété de couverts, de cultures, entre céréales, colza, engrais verts, courgettes, millet, asperges, séparés de quelques haies, ou par des petits bois de quelques hectares. Un milieu idéal, accueillant, et très intéressant à chasser. On s’y surprend à penser « faisan » : si j’étais un coq faisan…

Naturel, le faisan est un gibier retors qui impose véritablement de « penser faisan » pour déjouer ses ruses.

La matinée avance, et nous avons eu quelques contacts, sans parvenir à mettre un oiseau au bout du fusil, pour des raisons de distance ou de sécurité. Nous avançons désormais dans un grand bois de chênes, dont le sous-bois est composé de ronces, d’orties et de sureaux. Même si la chienne a adapté sa quête au bois, nous chassons beaucoup à l’oreille, à suivre le son de sa campane.

AU BOIS UNE QUETE AU SON DE LA CAMPANE

Plus de tintement. Nous essayons de la retrouver devant nous, et sa robe claire est alors un réel atout. Elle est à l’arrêt non loin de la lisière, au milieu d’orties. Bruno s’en rapproche, quand jaillit une poule faisane tel un diable de sa boite ! Les deux cartouches se succèdent, mais sans freiner le vol de l’oiseau. Un premier tir un peu précipité, le second gêné par un chêne, et la chance est passée. La quête se poursuit, sans succès.

Dans un environnement encore dense, les tirs ne sont pas toujours simples et les faisans s’en tirent souvent sans laisser la moindre plume.

ENCORE RATE !

En ce début d’après-midi, nous chassons un grand bois. J’ai raté un peu plus tôt une nouvelle poule faisane. Décidément… Izzy semble intéressée depuis plusieurs dizaines de mètres, et remonte une voie avec prudence. Nous longeons la lisière, à l’intérieur. La chienne contrôle les émanations, et continue d’avancer, traversant un taillis d’acacia, puis un tapis de fougères sèches. Elle s’immobilise enfin. Bruno se place d’un côté, moi de l’autre, et je profite quelques secondes de ce spectacle naturel.

En traquant le faisan, à cette période de l’année au bois, Izzy pourrait très bien aussi arrêter une bécasse.

Puis je me rapproche pour faire s’envoler un magnifique coq qui me prend le travers. Salué de mes deux coups de fusil, je le suis du regard jusqu’à le voir rejoindre en vol, d’une seule traite, la réserve en bord de village, à exactement 900m de là (mesuré ensuite). Ces oiseaux sont surprenants ; et moi bien piètre tireur !

Le faisan est un oiseau très piéteur et il rechigne à voler, mais mis à l’essor il peut parcourir énergiquement de belles distances.

Après avoir levé trois compagnies de perdrix grises, quelques lièvres, et encore quelques faisans, nous rejoignons la voiture en remontant quelques rangs d’asperges, au milieu de poireaux. Le silence de la cloche d’Izzy attire notre attention. Bruno m’indique la chienne à l’arrêt à 30m de lui. Nous nous rapprochons calmement.

UN COQ S’ARRACHE DES ASPERGES POUR TOMBER DANS LES POIREAUX

Le coq faisan s’arrache des asperges dans une chandelle avant de partir au-dessus des champs bleus de poireaux, quand le coup de fusil de Bruno le bascule. Izzy est déjà partie au rapport, et met la touche finale à cette journée de chasse riche de gibiers, d’images en têtes, d’émotions partagées, d’efforts, pour un prélèvement minime mais ô combien satisfaisant.

La chasse du faisan naturel au chien d’arrêt est une chasse d’esthète privilégiant la qualité à la quantité.

La qualité de ce gibier et la difficulté de se l’approprier décuple le plaisir de sa quête. Une fois en main, on l’admire, on caresse ses plumes, on le sous-pèse…  Si le faisan est un gibier, alors le faisan naturel est un trophée.

Un joli coq naturel sur son lit de poireaux, un sacré trophée !

* GIASC : Groupement d’Intérêt Agro-Sylvo-Cynégétique