Etat du gibier : misons plutôt sur le poil ! Par Gilles de Valicourt 15 septembre 2021 Tous les ans en fin d’été se pose la question cruciale du succès de la reproduction du gibier, du moins pour les espèces sédentaires. Y aura-t-il du gibier à l’ouverture, ou faudra-t-il lever le fusil pour épargner la ressource ? Le lièvre : c’est très bon C’est le grand gagnant de cette ouverture. Comme souvent pour les mammifères herbivores, les printemps humides engendrent plutôt une bonne reproduction. La végétation, favorisée par l’eau en abondance, est favorable à la lactation et les portées sont plutôt bien menées. Là où les travaux agricoles n’ont pas détruit trop de levrauts, on peut donc espérer voir courir un peu plus de lièvres cette année. D’ailleurs sur le terrain, beaucoup de témoignages mentionnent une présence importante de jeunes de toutes tailles, attestant un bel enchaînement des portées. Le lapin : pour l’instant tout va bien Septembre est un mois fatidique concernant les maladies du lapin. Ça passe ou ça casse. Là où ils restent des populations résiduelles de lapins, la reproduction semble bonne, voire même très bonne. Certains agriculteurs ont même pu constater des dégâts sur des semis de printemps. On peut cependant craindre que les maladies, qui souvent sévissent dans les premières semaines de l’ouverture, ne réduisent drastiquement les populations avant qu’elles ne soient chassées. Croisons donc les doigts. La perdrix grise : historiquement médiocre Pas plus de deux jeunes par poule, c’est la norme pour cette saison. Cantonnée au nord de la Loire si l’on excepte la sous-espèce de montagne, la perdrix grise est soumise depuis des décennies à une forte érosion de ses effectifs. L’espèce étant très dépendante de la météo du printemps et du début de l’été, le temps plus que maussade que nous avons connu cette année laissait augurer le pire. Et les craintes sont confirmées. Là où il y avait de bonnes densités de printemps, on ne retrouve même pas ce que l’on observait à cette période. La plupart des témoignages sont concordants, et relèvent un très faible taux de reproduction. Dans la Somme, l’un des départements où subsistent les plus belles populations, les chiffres sont catastrophiques. C’est la pire reproduction en 10 ans avec 1,47 jeunes par poule d’été et près de 70% de poules sans jeunes. La plupart des compagnies observées sont des rassemblements d’adultes. Beaucoup de fédérations recommandent de ne pas ou très peu la chasser. La perdrix rouge : très mauvais Des gelées en avril ont affecté les premières pontes de perdrix rouges sur le littoral méditerranéen. C’est la perdrix de la moitié sud de la France. Elle est un peu moins sensible que sa cousine grise aux aléas climatiques, mais ses populations connaissent elle aussi un net déclin. Nous avons interrogé le spécialiste incontesté de l’espèce, Jean Claude Ricci, directeur de l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique (IMPCF). Et son jugement est sans appel : « C’est très mauvais, sur le territoire d’études de Montagnac dans l’Hérault on recense 0,4 jeunes par adulte, alors que dans des volières expérimentales implantées sur la même commune ce chiffre est de 7 jeunes par adulte, autant dire excellent ». Au-delà des conditions météo peu favorables, avec notamment des gelées début avril ayant affecté les premières couvées, c’est bien la capacité des jeunes oiseaux à survivre dans la nature qui pose question. Affaire à suivre, mais en attendant, il faudra s’abstenir de trop chasser l’espèce cette saison. Le faisan : moyen Même avec de petites couvées cette année, le faisan poursuit son expansion. Comme les perdrix, les couvées de faisans ont été impactées par la mauvaise météo de cette année. Mais sa période de reproduction étant plus étalée, certaines couvées sont passées entre les gouttes, et les retards de certains travaux agricoles, fenaisons et moisons, auront permis la survie de quelques oiseaux supplémentaires. Si le constat est donc mitigé, le faisan bénéficie d’une bonne dynamique de population depuis des années et les populations se consolident donc dans la plupart des secteurs, surtout s’il est géré avec des mesures telles que le non-tir des poules. Le grand gibier : aucune inquiétude, si ce n’est toujours trop de sangliers Un printemps humide et des fenaisons retardées ont épargné de nombreux faons de chevreuils. Comme pour le lapin ou le lièvre, les printemps chauds et humides sont favorables et les femelles n’ont eu aucune difficulté à allaiter leurs jeunes. Cerfs, chevreuils et sangliers seront donc au rendez-vous, peut-être même encore un peu trop nombreux, notamment pour le sanglier dans certains secteurs. Cette année ne sera donc pas encore bonne pour les perdrix. Les chasseurs qui chassent le naturel devront donc privilégier le poil, petit ou grand, ou espérer de belles migrations.