Alexandre Hanssen, les armes en héritage Par Alain de l'Hermite 19 janvier 2022 E n 2006, Alexandre Hanssen, jeune armurier belge, a ouvert son armurerie à Bonnerue en Wallonie. S’il y fabrique des armes rayées, il est aussi connu pour restaurer et commercialiser des armes fines d’occasion, particulièrement des fusils à platines. Notre voiture vogue de collines en vallées. Un instant le regard se perd sur un glacis de l’Ourthe dans la perspective improbable du gobage d’une fario… Ici, en terre Wallonne, à la frontière luxembourgeoise, à mi-chemin entre la France et l’Allemagne, où est « le plat pays » de Brel ? Une importante partie du travail de l’atelier concerne la restauration d’armes fines. Faiseur de carabine Dans ce qui apparait comme le royaume des grands animaux avec ces forêts secrètes, nous avons rendez-vous à Bonnerue, en Ardenne, où nous attend Alexandre Hanssen. Ce faiseur de carabines est l’un des armuriers les plus talentueux de sa génération actuelle. L’histoire nous adresse parfois un clin d’œil. Ce matin, tandis que nous discutons, Alexandre Hanssen raconte à Entrechasseurs.com : « Cette semaine, j’ai livré une carabine chez un de mes clients français à Auxerre. » Sans doute, vous demandez-vous où dans son propos est le clin d’œil historique ? Pourtant, c’est une façon de se souvenir qu’à Auxerre a vécu un armurier-inventeur injustement oublié. Pidault, le père de la bascule basse Il se nommait Pidault. Vers 1885 il a conçu le principe de la charnière à tourillons pour un fusil superposé de sa création. C’est donc Pidault, un Français, le père de la bascule basse qui équipe la plupart de nos superposés modernes. Par exemple, Boss, puis Perazzi seront ses héritiers. Fabrication Hanssen : Browning B25 à contre-platines richement gravée et devant 3 parties. Formé à la ‘’Factory’’ londonienne Holland & Holland Ce rappel historique permet aussi de préciser la vocation première d’Alexandre Hanssen pour le canon lisse, et plus précisément celle du fusil à platines. En effet, ses années de formation chez Holland & Holland, à Londres, Alexandre les a consacrées au légendaire modèle Royal. Alexandre Hanssen et Thibault, son collaborateur, terminent deux paires de ‘’Pigeons Guns’’ à platines. Des calibres 12 – âmes en 18,4 – et canons de 76cm, sont destinés au tir de haut vol. D’ailleurs à l’instant où nous écrivons ces lignes Alexandre et son collaborateur Thibault mettent la main à la finition de deux paires de « Pigeon guns » comme ils disent. C’est-à-dire des fusils à platines juxtaposés aux canons longs de 76 centimètres destinés à la battue de haut vol. Précisons au passage qu’Alexandre comme Thibault sont issus de la très réputée école d’armurerie de Liège. Thibault concentré sur sa tâche. Les compétences croisées d’Alexandre et Thibault font honneur à leur nouvelle génération d’armuriers. Autour de la culasse Mauser Quand on parle de Holland & Holland surgit aussitôt l’image de leur domaine de chasse de Molland, dans le cortège des grandes battues britanniques. Mais n’oublions pas non plus le goût très sûr de la manufacture londonienne pour les belles carabines. À commencer par ses chefs d’œuvres de finesse assemblés autour de la culasse Mauser. Alexandre Hanssen s’en est souvenu au moment de s’installer en Belgique. D’autant qu’en son Ardenne natale les chasseurs vouent un véritable culte à la chasse des grands animaux. Carabine ‘’universelle’’ Hanssen. Commande d’un collectionneur averti. Cette arme recèle des trésors d’ingéniosité qui rappellent une montre à complications. Notez le montage optique Holland et le noyer français. Dix carabines Hanssen sur-mesure sont produites chaque année « Une dizaine de carabine à verrou assemblées autour de la culasse Mauser 98 sortent chaque année de notre atelier », précise Alexandre. Des armes rayées sur-mesure, dont la première étape consiste à élaborer un cahier des charges précis avec le client. Le prix de départ d’environ 12 000 euros apparait raisonnable compte tenu de l’excellence des carabines Hanssen. Des armes rayées sur mesure Chez lui on est loin des tarifs pratiqués par les marques d’outre-manche à qualité égale. D’autant qu’Alexandre mène à bien les projets les plus avancés de ses clients en termes de finition et d’options. Chaque carabine Hanssen est ainsi réalisée dans la plus pure acception du mot artisanat. Le fabricant anglais Mayfer Engineering est le maître d’œuvre du mécanisme des carabines Hanssen. Une génétique commune à chaque carabine La génétique commune à chaque carabine à répétition issue de la manufacture tient en trois point essentiels. Il y a d’abord les boîtiers d’inspiration Mauser 98. Ils proviennent toujours de l’Anglais Mayfair Engineering. Chaque boîtier représente à lui seul un objet d’art digne d’une vitrine ! Depuis le modèle ‘’court’’ jusqu’au magnum, il est disponible en quatre dimensions pour parfaitement s’adapter à la munition du calibre choisi. Une version ‘’gaucher’’ est aussi disponible. De nos jours, la traditionnelle sûreté drapeau est majoritairement conservée sur les carabines destinées à la chasse en Afrique. Ailleurs les clients lui préfèrent l’ergonomie d’une sureté latérale à trois positions. Une des armes en fabrication. Des détentes de l’Allemand Recknagel Le second point commun à toutes les carabines concerne le mécanisme de percussion. Pour sa qualité, perpétuelle ligne de mire d’Alexandre, l’Allemand Recknagel a été retenu. Il faut savoir qu’une monodétente assemblée chez ce fabricant combine un stetcher ; système toujours très prisé en Belgique. Enfin, tous les canons rayés profilés par Hanssen proviennent du célèbre fabricant allemand Lothar Walter. Qui sera l’heureux propriétaire de ce modèle Stutzen gaucher ? Billes d’acier et beaux fusils Toujours à propos de canons, mais de fusils lisses, cette fois, l’atelier de Bonnerue connait en ce moment une demande nouvelle. Elle émane de chasseurs possesseurs d’armes fines incertains de pouvoir bientôt continuer à tirer du plomb. Cette perspective pousse beaucoup d’entre eux, désireux de continuer à chasser avec leur fusil de prédilection, à adapter sur sa bascule des tubes éprouvés pour la bille d’acier. Belgique oblige, le Browning B25 règne en maître chez Hanssen. Avec sa bascule haute d’inspiration allemande, ce superposé fut l’ultime chef-d’œuvre de John Moses Browning (1855-1926). Adaptation de tubes éprouvés billes d’acier C’est, par exemple, le cas de propriétaires de Browning B25, nombreux en Belgique, à vouloir préserver la valeur de leur fusil en conservant intact leur canon d’origine. Alors, Alexandre leur propose une solution double selon le budget qu’ils envisagent. Soit, il refabrique un canon demi-bloc d’origine mais éprouvé pour les billes d’acier. Soit il propose un canon simplement fretté donc meilleur marché. En terme de balistique chaque réalisation fournit des performances identiques. La manufacture Hanssen développe une nouvelle activité : la fabrication de canons éprouvés billes d’acier. Les propriétaires d’armes fines conservent ainsi l’intégrité du canon d’origine. Une nouvelle vie pour les armes anciennes Cette démarche s’inscrit tout à fait dans le prolongement d’une autre vocation de la manufacture Hanssen : « La restauration d’armes anciennes de qualité, pour conserver leur valeur tout en leur redonnant une nouvelle vie. » Entrechasseurs aura bientôt l’occasion d’en parler dans ses colonnes. Ce soir, en quittant la Belgique, nous nous réjouissions de cette belle rencontre à Bonnerue. Parce qu’Alexandre Hanssen, au côté de Marc Servant (armurerie Briano), dont Entrechasseurs a brossé récemment le portrait, représente la véritable relève. Eux qui appartiennent au petit cercle des armuriers les plus talentueux de leur génération. Le curriculum d’Alexandre Hanssen Belge, Alexandre est né en Ardenne le 1er janvier 1981. Dès l’âge de 15 ans, il intègre la fameuse école d’armurerie liégeoise Léon Mignon. Cinq ans plus tard il obtient son diplôme assorti d’une spécialité de monteur à bois. Durant ses années d’études, il complète sa formation à l’établi des frères Pletsers à Saint-Trond. Ensuite il rejoint la ‘’Factory’’ Holland & Holland à Londres. Là, il se spécialisera sur le superposé à platines Royal. Pendant sa troisième année en Angleterre, la boutique Holland de Paris fait appel à ses compétences. Il y restera dix-huit mois. De retour en Belgique, Alexandre Hanssen ouvre sa propre armurerie à Bonnerue en décembre 2006. http://www.armureriehanssen.be/